Titre : Envoyée Spéciale
Auteur : Jean Echenoz
Editions : Les Editions de Minuit
Date de parution : 7 janvier 2016
Nombre de pages : 312 pages
Résumé : Constance étant oisive, on va lui trouver de quoi s’occuper. Des bords de Seine aux rives de la mer Jaune, en passant par les fins fonds de la Creuse, rien ne devrait l’empêcher d’accomplir sa mission. Seul problème : le personnel chargé de son encadrement n’est pas toujours très bien organisé.
Mon avis : Jean Echenoz était l’un de ces auteurs sur lequel j’avais beaucoup d’a priori, à tort. J’imaginais un auteur aux livres un peu poussiéreux, un peu vieille France, tout cela pour m’avoir laissé des souvenirs impérissables en khâgne durant mes cours de thème où je finissais invariablement avec la note de 6/20. Les textes que j’avais à traduire étaient toujours des mêmes auteurs : Simenon, Perec, Carrère… et j’avoue que depuis, j’ai déclenché envers ces auteurs une sorte d’animosité infondée.
Le Prix du Roman des Etudiants m’aura au moins permis de me faire une autre idée (bien plus construite) sur Jean Echenoz, ce qui n’est pas rien.
C’est le genre de livres dans lequel on rentre sans trop savoir de quoi il s’agit. Et tant mieux. J’ai eu la sensation de découvrir un roman totalement loufoque, à mille lieux de ce que je pouvais imaginer. Une blogueuse avait écrit sur Livraddict qu’il lui rappelait les romans de Puértolas. Et je suis assez d’accord. On retrouve ici ce côté déjanté et improbable de l’histoire, qui nous tient en haleine et nous fait sourire tout du long.
J’ai tout de suite accroché avec l’écriture de l’auteur. Il a une façon de décrire les choses sans pareille, il s’attarde sur quelques détails qui semblent insignifiants et pourtant, on y prend goût. Le narrateur nous prend à parti, fait de petites interventions ça et là, nous rappelant qu’il maîtrise son récit et qu’il sait parfaitement là où il veut nous amener. Je me suis vue dans le jardin ombragé de la Creuse autant que dans les rames de la ligne 2 du métro parisien. J’ai aimé découvrir la Corée du Nord par le biais du roman, même si j’aurais aimé savoir si les considérations sur le pays sont totalement fictionnelles ou si elles contiennent bien une part de vrai.
Echenoz nous propose une galerie de personnages sympathique et originale, hauts en couleurs, à laquelle on s’attache quand même un peu. Ce ne sont pas des héros ordinaires au sens de héros de romans. Ce sont des héros de tous les jours, un peu balourds, un peu patauds, un peu à côté de la plaque. Mais qui nous font sourire.
L’intrigue m’a tenue en haleine jusqu’à la fin et je ne me suis vraiment pas ennuyée. J’ai passé un très bon moment de lecture et je pense même découvrir avec plaisir d’autres livres de l’auteur dans les prochaines semaines. Je vous incite d’ailleurs avec grand plaisir à découvrir sa plume, loin d’être aussi poussiéreuse que je ne le pensais.
« Reste les autres usagers de la rame qu’on peut toujours examiner mais, dans le métro, il ne faut pas les regarder trop longtemps, ni les hommes car cela peut être mal pris aussi. Reste les enfants : ce qu’il y a de bien avec les enfants, c’est qu’on peut les regarder tant qu’on veut, même dans les yeux, on peut aller jusqu’à leurs sourire sans redouter de représailles. Croit-on.
Croit-on car en réalité, sous leur masque d’indifférence et de candeur ils vous repèrent, ils prennent des notes, se renseignent sur votre état civil, vous identifient au moindre détail près grâce à leurs super-pouvoirs, vous mettent en fiche, vous inscrivent sur leur liste et un jour ou l’autre, une fois adulte ou même avant, dès qu’ils seront en âge de régler leurs comptes, vous comprendrez votre douleur. »